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L'EXCISION

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                                                                                   L'EXCISION

        Près du tiers des femmes sont excisées au Sénégal. Et dans certaines régions du sud, elles le sont quasiment toutes. Mais le phénomène est en recul, grâce au travail acharné de militantes anti-excision. Un travail de conviction qui se mène pierre par pierre.

Dans les sociétés où elles sont pratiquées, les Mutilations Sexuelles Féminines (MSF) sont le reflet d’une inégalité entre les sexes et traduisent le contrôle exercé par la société sur les femmes. Le maintien de la pratique est sous-tendu par un ensemble de croyances culturelles, religieuses et sociales. Les raisons invoquées par les groupes qui perpétuent l’excision peuvent varier selon la région, l’ethnie ou la communauté et peuvent se cumuler.

      De façon transversale, il est important de comprendre que l’excision constitue une norme sociale :dans la plupart des communautés, l’excision persiste en raison d’un sentiment d’obligation sociale très fort. Par conséquent, même lorsqu’elles sont conscientes des répercussions sur la santé physique et psychologique de leurs filles, les familles préfèrent perpétuer la pratique pour ne pas subir jugement moraux et sanctions sociales (comme par exemple l’impossibilité pour une fille de se marier ;  dans les sociétés où l’on choisit son partenaire à l’intérieur du groupe (non seulement social — homogamie — mais aussi géographique, professionnel, religieux).

     L’Unicef, qui travaille de longue date à la compréhension des dynamiques qui sous-tendent la perpétuation et l’abandon de l’excision, explique ainsi dans une étude de 2010 « Dans les communautés où elle est pratiquée, l’E/MGF n’est considérée ni comme dangereuse, ni comme une violation des droits humains. Elle constitue une étape nécessaire dans la bonne éducation d’une fille, une façon de la protéger et, dans de nombreux cas, de lui permettre de se marier. Les parents font exciser leurs filles afin de leur garantir le meilleur futur possible. L’honneur familial et les attentes sociales jouent un grand rôle dans la perpétuation de l’E/MGF, ce qui permet difficilement aux familles individuelles ainsi qu’aux femmes et aux filles en tant qu’individus de renoncer à la pratique. Même lorsque les familles sont conscientes des conséquences néfastes de l’intervention, elles perpétuent la pratique car elles craignent les jugements moraux et les sanctions sociales au cas où elles ne se conformeraient pas aux attentes de la société. Le moteur principal qui entretient la pratique est souvent le désir de protéger les filles et de leur offrir le meilleur futur possible leur assurant sécurité économique et acceptation sociale ».                    

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         Les justifications suivantes sont notamment invoquées par les groupes qui pratiquent l’excision :

  •            Le contrôle de la sexualité des femmes et le maintien de la domination masculine : L’excision – en prévenant le désir sexuel, empêcherait les expériences sexuelles prénuptiales et ensuite les relations adultérines – garantissant ainsi l’honneur de la famille et du mari.
  • Les croyances liées à la religion : bien qu’aucun texte religieux ne prescrive la pratique – qui a d’ailleurs précédé l’apparition des grandes religions monothéistes – certains utilisent leurs croyances pour justifier l’excision. La pratique se retrouve aussi bien dans  des populations  musulmanes, chrétiennes ou  animistes.

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  •        D’autres croyances, les mythes : certaines communautés pensent que l’excision favorise la fécondité des femmes ; qu’elle permet d’assurer une meilleure hygiène, de rendre les femmes plus attrayantes ou même de leur ôter les parties qu’ils considèrent comme masculines ou dangereuses telle que le gland du clitoris.
  • Le maintien d’une identité et d’une tradition culturelle : pour certaines communautés, pratiquer l’excision permet de perpétuer une tradition et de protéger une identité culturelle. L’excision est par exemple parfois associée à des rites de passage à l’âge adulte. Pratiquer l’excision pour préserver son identité culturelle, en particulier au contact de groupes qui ne pratiquent pas, peut jouer un rôle important, par exemple dans un contexte migratoire.           Certaines familles peuvent parfois perpétuer la pratique en migration pour s’assurer de transmettre valeurs et identité culturelle.

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          La personne qui pratique l’excision n’est pas toujours la même selon les contextes. En Afrique de l’ouest francophone, l’excision est généralement pratiquée par des femmes âgées dont le savoir a été transmis par leur mère et qui disposent d’un statut particulier dans leur communauté, ou encore par des accoucheuses traditionnelles.

       Dans l’immense majorité des cas, les filles sont excisées avant l’âge de 15 ans. Dans la moitié des 29 pays qui pratiquent l’excision, la majorité des filles subissent les mutilations sexuelles féminines avant l’âge de 5 ans.

       En Égypte, en République centrafricaine, en Somalie et au Tchad, au moins 80 % des filles sont excisées entre 5 et 14 ans, parfois dans le cadre de rites marquant le passage à l’âge adulte.

     Pour en savoir plus, consulter le rapport statistique de l’Unicef, publié en 2013.

     Cette moyenne cache cependant des disparités puisque l’âge peut varier d’une ethnie à l’autre ou d’une génération à l’autre.

                 L’environnement juridique

    Le contexte législatif

   La lutte contre les mutilations génitales a commencé, au Sénégal, dans les années 70 avec l’amorce de programmes pour promouvoir l’abandon de l’excision. En 1999, la loi N°99-05 pénalisant la pratique de l’excision au Sénégal est adoptée suite à un lobby intensif d’un groupe de femmes parlementaires à l’Assemblée Nationale.

    La loi 99-05 du 29 janvier 1999 modifie le code pénal en vue de pénaliser la pratique de l’excision et introduit ainsi l’article 299 bis:

  •       La loi sénégalaise prévoit donc une peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans à l’encontre l’exciseuse ;
  •        La loi sénégalaise prévoit donc une peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans à l’encontre du ou des parents ayant réalisés des dons, promesses (…) donné des instructions pour commettre ces mutilations ;
  •        La peine maximale est appliquée lorsqu’un membre du corps médical aura commis cette mutilation.

      Par ailleurs, la loi n° 2005-18, du 5 août 2005, relative à la santé de la reproduction précise en son article 4 que « Les soins et services de santé de la reproduction recouvrent : (…) la lutte contre les mutilations génitales féminines, les sévices sexuels et les pratiques néfastes à la santé de la reproduction », consacrant ainsi le rôle que doivent jouer les services de santé dans la lutte contre cette pratique.

       La constitution

      L’article 7 de la constitution du Sénégal dispose : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, au libre développement de sa personnalité, à l’intégrité corporelle notamment à la protection contre toutes mutilations physiques. »

       Les conventions et traités internationaux

     Les conventions internationales au sein desquels il est mentionné l’interdiction des mutilations génitales féminines ont été signées et ratifiées par le Sénégal (convention des Nations unies sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, convention des Nations unies sur les droits de l’enfant, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981, dont un des Protocole est le Protocole de Maputo). Ces conventions sont en chapeau de la Constitution du Sénégal (l’État du Sénégal affirme son adhésion à ces conventions).

       La jurisprudence

       À la suite de l’adoption de la loi de 1999, des condamnations ont été prononcées (cf. Kalthegener, 2003). Le Sénégal a enregistré au mois de juillet 1999 le premier cas de justice. En effet, à la suite d’une dénonciation, Mme X a été écrouée pour avoir excisée sa petite-fille. En novembre 2001, trois personnes âgées de 55 à 75 ans furent arrêtées dans le département de Vélingara mais vont être graciées en avril de la même année (Mbow & al. 2002). Ces exemples d’application de la loi ont eu un effet dissuasif mais aussi pédagogique auprès des populations.

      En Décembre 2010, une étude diligentée par le Ministère de la Femme, de l’enfance et de l’Entreprenariat féminin fait un état des lieux de l’application de la loi N°99-05. Cette dernière conclue que cette loi n’a été que rarement appliquée. La faible application de cette loi peut être considérée comme une des causes conduisant à un frein à l’abandon total de cette pratique.

      L’étude a porté sur un échantillon de 565 personnes (acteurs étatiques et non étatiques) et a été effectuée à Dakar et dans les régions de Saint-Louis, Matam, Kédougou, Tambacounda et Kolda.

        Les conclusions générales de cette étude sont les suivantes :

  •      les personnes interrogées connaissent l’existence de la loi, mais n’en connaissent pas le contenu, à l’exception des magistrats et des officiers de police judiciaire. Ainsi l’étude mentionne (paragraphe 85) que « Parmi les acteurs des structures publiques et privées, en dehors des magistrats, seules deux personnes à Dakar et quatre autres au niveau local sont informées de la totalité des peines applicables qui sont une peine minimale de 6 mois et une peine maximale de cinq ans, ou encore, la peine maximale de cinq ans si le délit est l’œuvre d’un membre ou corps médical, ou encore les travaux forcés à perpétuité si les mutilations ont entrainé la mort de la victime ».
  •      L ’action des organisations de la société civile a suscité la mobilisation des communautés pour promouvoir l’abandon de l’excision. Cependant, cette mobilisation ne préjuge en rien la sincérité des déclarations d’abandon auxquelles ces communautés ont souscrites ; ce qui n’autorise pas à parler de progrès dans la lutte contre les MGF/E ;
  • au niveau communautaire, l’impact de la loi est différent selon les localités : à Ndioum, on a noté un rejet de la loi au motif qu’il s’agit d’une décision unilatérale qui n’a pas reçu, de la part des marabouts de la localité, à l’instar  de ceux des régions qui ne pratiquent pas l’excision, l’acquiescement préalable à son adoption;
  • à Tambacounda et Kédougou, les déclarations d’abandon, qui sont l’expression de volontés collectives semblent avoir été consacrées par la loi. En effet, la loi n’a fait que les codifier.
  • à Kolda et partout ailleurs, la loi a instauré la peur des sanctions pénales et par conséquent l’installation de la pratique de l’excision dans la clandestinité (soulignant la pertinence de cette loi) ;
  • l’état de la documentation dans les tribunaux régionaux et les affectations du personnel ne permettent pas d’identifier et de connaître, avec certitude, les personnes poursuivies et sanctionnées ;
  • l’exigence, pour le corps médical, d’obtenir la participation des populations dans la poursuite des programmes de santé semble faire obstacle à leur obligation de dénoncer les violations de la loi constatées pendant les consultations.

Les décisions de justice présentes en annexe de cette étude mettent en évidence que tant la personne ayant commis l’excision (l’exciseuse) que les personnes complices de cette excision (mère, père, sœur, famille), sont condamnés pour complicité d’excision :

  • Jugement du 22 juin 2009 (Tribunal de Matam, cas Cumba Keita): condamnation de la personne ayant commis l’acte d’excision ainsi que la mère à 6 mois de prison ferme; le père et la fille à 6 mois de prison avec sursis;
  • Décision du 22 mai 2010 (Cour d’appel de Kaolack), la personne ayant commis l’excision est condamnée à 6 mois de prison ferme, les personnes complices de cette excision à 3 mois de prison ferme;
  • Jugement du 25 février 2004 (Tribunal Régional de Kolda – jugement N°74): la personne ayant commis l’excision ainsi que le parent de la personne excisée sont condamnées à 6 mois de personnes avec sursis;
  • Jugement du 28 avril 2004 (Tribunal Régional de Kolda): la personne ayant commis l’excision est condamnée à 3 mois ferme; la personne complice (parent) est condamnée à 6 mois de prison avec sursis;
  • Jugement du 18 juillet 2007 (Tribunal Régional de Kolda): L’enfant excisée est décédée des suites de l’excision. La personne ayant commis l’excision ainsi que les deux personnes complices de cette excision ont été condamnées à 3 mois avec sursis. Le rapport mentionne que cette décision a été rendue en complète méconnaissance de la loi, l’excision ayant entraîné la mort, (i) les faits auraient dû être jugés devant une Cour d’assise, (ii) une condamnation à des travaux forcés à perpétuité aurait dû être prononcée.

                            Le plan d’action gouvernemental

       Suite à l’adoption de cette loi, le gouvernement met en place le premier plan pluriannuel d’action national pour l’abandon de l’excision d’ici 2015. En 2008 ce premier plan d’action en vue de l’abandon de cette pratique est évalué et un nouveau plan d’action est adopté (2010-2015). Le Gouvernement sénégalais dispose du Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, qui n’est néanmoins pas le seul à être concerné par les problématiques de l’excision. La mise en œuvre du plan d’action national est directement chapeauté par le gouvernement Sénégalais et implique différentes structures : le Conseil national de promotion de l’abandon de l’excision au Sénégal, organe d’orientation du plan d’action, le comité Technique National, organe de coordination, le Comités régionaux et départementaux, le Comités de gestion communautaire, la Cellule de coordination nationale, le forum des partenaires pour l’accélération de l’abandon de l’excision.

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